Généralités et Enjeux Médiatiques…
Quand on évoque le palmier à huile, la tendance générale est de s’appesantir sur l’huile de palme pour la consommation alimentaire principalement. Cette tendance est tout à fait compréhensible puisque depuis une dizaine d’années, une guerre médiatique aux enjeux économiques à peine voilés est enclenchée contre l’huile de palme. Elle est accusée d’être un fléau écologique et une bombe à retardement pour la santé des populations qui la consomment.
De plus, cette campagne médiatique semble prendre de l’ampleur et perdurer parce que les groupes ayant un intérêt dans la vulgarisation de la filière palmier à huile n’entendent pas se laisser faire. Ils parviennent à faire obstacle à la volonté manifeste de botter en touche leurs activités au profit d’autres oléagineux. Des recherches et analyses scientifiques aux sommets d’entente et plusieurs initiatives ont été consenties par les acteurs de la production mondiale d’huile de palme afin de rassurer la population sur les enjeux sanitaires, écologiques et économiques de la culture du palmier à huile.
Malgré ces tentatives, toute la mauvaise publicité a des résultats plus au moins désastreux sur la perception qu’ont de plus en plus de personnes, même celles provenant des pays producteurs, vis-à-vis du palmier à huile. Une telle vision est très limitatrice du potentiel énorme que renferme cette culture.
Cet article voudrait mettre en lumière toutes les autres ressources fournies par le palmier à huile qui sont malheureusement trop souvent ignorées dans les débats pour justifier son utilité.
Description et rappel botanique du palmier à huile
Originaire de l’Afrique tropicale, le palmier à huile est une plante monocotylédone de la famille des Arecaceae, largement cultivée pour ses fruits et graines riches en huile. Il mesure 20 à 25 m de haut mais dans les palmeraies de culture, les elaeis ne dépassent pas 15 mètres. Son « faux-tronc » est le stipe caractéristique des palmiers, cylindrique, vertical, non ramifié et de diamètre constant.
Ses feuilles, pennées, mesurent de 5 à 7 m de long, à pétiole très robuste et épineux. Elles forment une couronne symétrique en haut du stipe, entourant et protégeant le bourgeon végétatif. Les inflorescences sont des spadices, implantés à l’aisselle de chaque feuille. La plante est monoïque et présente des spadices mâles et femelles séparés. Les fleurs, petites et de couleur blanc cassé, sont très serrées. Son fruit est une drupe charnue, de forme ovoïde, sessile, d’environ 3 cm de long. La pulpe ou mésocarpe, de couleur jaune-orangé, renferme près de 50 % de lipides qui constituent l’huile de palme. Les noix de palme sont groupées en régimes pesant entre 5 et 50 kg pour 500 à 4 000 drupes, selon l’âge du palmier, son origine, son environnement et d’autres facteurs.
On distingue trois types variétaux selon la morphologie du fruit : le dura, dont le fruit contient une coque épaisse autour de l’amande ; le pisifera dépourvu de coque (et généralement femelle stérile) ; et le tenera, avec une coque mince. Tandis que le dura est le type le plus répandu dans la nature, le tenera est le type cultivé, car il combine fruits riches en pulpe et fertilité femelle. Chez ces derniers, la coque du noyau, très dure, est constituée par l’endocarpe.
Valorisation et utilisation des différentes parties de la plante
Nous le disions plus haut, il est injuste de réduire les usages du palmier à huile à la seule extraction d’huile quand toutes les autres parties sont des ressources à forte valeur ajoutée, un atout important dont peut rarement se prévaloir les autres cultures oléagineuses. Okedjenou fait avec vous le tour des composantes de la plante et de leur valorisation dans nos régions africaines.
- Graines (Pulpe et amandes)
- Les graines sont de loin la raison principale de l’exploitation du palmier à huile. De la pulpe, plus ou moins charnue selon les variétés, l’on peut extraire plusieurs produits :
- Le jus de palme utilisé pour la préparation de délicieuses sauces (sauce graine en Côte d’Ivoire, sauce ‘zik’ en Fon au Bénin) ;
- L’huile de palme brute ou huile rouge, utilisée dans de nombreuses recettes Ouest-africaines (sauces djumgblé, feuilles et kôpè, attiéké rouge ou encore alloco huile rouge et foufou en Côte d’Ivoire, soupou Kandja, Thiou tiir au Sénégal, Jolof rice au Ghana et bien d’autres);
- Dans la fabrication de remèdes traditionnels (l’huile rouge étant pour bon nombre d’amateurs africains le premier recours en cas de suspicion d’empoisonnement);
- Dans la cosmétique à partir de l’huile de palmiste extraite des amandes, utilisée pour la fabrication des savons, crèmes, mélanges d’huiles, (traitement de problèmes de peaux, embellissement de la femme qui vient de donner naissance, masques corporel et capillaire) ; et en pharmacopée (onguents, composante de remèdes).
- Dans l’utilisation ménagère (détergents, bougies, parfums, lubrifiants) ainsi que dans la fabrication de produits de grande consommation (plats cuisinés industriels, confiseries, margarines, glaces) grâce à l’huile de palme raffinée obtenue par traitement industriel.
Notons que les amandes extraites des coques peuvent être consommées fraiches comme le sont les arachides. Par ailleurs, dans les industries de transformation, les amandes impropres à faire de l’huile sont transformées en pains d’amande de palme, un composant important de l’alimentation du bétail.
2. Tronc, bourgeon terminal et symbiose culturale
Le palmier, c’est aussi et surtout un tronc qui révèle des merveilles. Le cœur du palmier ou chou palmier, est un légume très prisé en cuisine locale ou européenne. En sauce ou autres recettes du type salade ou roulé, le chou de palmier est une excellente source nutritionnelle.
Le cœur de palmier peut également se décliner en sève sucrée. La sève fraichement recueillie sur les arbres vivants ou nouvellement abattus est une boisson nourrissante et rafraîchissante. La sève recueillie sur les inflorescences mâles ou sur le cœur du palmier à huile chauffé produit des litres de vin de palme très apprécié comme boisson au cours des fêtes africaines (« Bandji » en Côte d’Ivoire).
Par ailleurs, l’on peut, à partir de toute sève du palmier à huile, fabriquer du vinaigre et des boissons fortement alcoolisées qui ressemblent à du gin (« Koutoukou » en langue vernaculaire ivoirienne et « Sodabi » en fon).
Outre le cœur du palmier, le bourgeon terminal peut être consommé comme du chou dans l’alimentation humaine. Une fois arrivés en fin d’exploitation, des champignons poussent sur les arbres en décomposition. Les vieux troncs abritent également de grosses larves de coléoptères (« Zikré » en Bété de Côte d’Ivoire ethnie et « Atran » en fon au Bénin). Ces champignons comestibles et ces grosses larves blanchâtres et translucides constituent un mets délicieux quand ils sont préparés dans du jus de palme.
Mieux, la matière organique ainsi en décomposition se transforme finalement en humus indispensable pour l’agriculture (jardinage et maraîchage).
3. Feuilles et nervures
Les feuilles pennées, longues d’environ 5 à 7 mètres et toutes vertes, servent, dans plusieurs régions de la Côte d’Ivoire, à confectionner la toiture des cases traditionnelles. Les palmes nattées entre elles constituent un excellent moyen de protéger les constructions et autres greniers. Elles servent aussi à la construction des clôtures destinées à protéger les potagers contre les animaux et servent de même à la construction de porcherie, de bergerie, de poulaillers et autres parcs pour animaux d’élevage en milieu rural.
Les feuilles et leurs nervures entrent aussi dans la confection des nattes qui servent encore de lit pour nombre de béninois (ce sont les Zan, Bazan, Akpakidja et Kplakpla en fon) ou encore servent à construire des «jalousies» (Cossinlé en fon). Des cordes, des ficelles, des corbeilles, des paniers ainsi que des nasses qui servent à capturer des poissons sont tressées à l’aide des fibres des nervures.
L’intérêt pour les palmes ne se limite cependant pas aux environnements ruraux. Il est très fréquent de voir des espaces en milieu urbain être ornés de palmes utilisés comme éléments de décoration pour des cérémonies (baptême, mariage, concert ou fiestas en plein air).
En religion, les fidèles chrétiens, Catholiques notamment, utilisent les flèches des jeunes palmiers lors de la fête des Rameaux et une fois les jubilations terminées, ces rameaux sont rassemblés, séchés et réduits en cendre qui sera utilisée pour marquer les fronts des fidèles le mercredi des cendres. De même, certaines confessions religieuses africaines utilisent les rameaux de palmier à huile au cours de plusieurs cérémonies traditionnelles dont la plus courante au Bénin est celle qui consiste à mettre à l’avant d’une voiture, ou tout autre véhicule transportant une personne morte, des rameaux de palmier à huile dépliés, ainsi que dans les cérémonies de sortie du nouveau-né (baptême traditionnel).
Par ailleurs, de nombreux ménages africains disposent de balais, qui ne sont rien d’autres que les nervures des feuilles rassemblées et attachées pour assurer la propreté des domiciles et autres espaces. Fraichement coupées, les feuilles vertes servent à affourager le petit bétail (chèvre, mouton, céphalophe), les lapins, les aulacodes et voire le gros bétail (bovins en stabulation) d’élevage.
4. Racines
Les racines servent à tisser des cordes très résistantes qui sont utilisées de différentes façons :
- les cordages pour lier les charpentes et les pieux ;
- pour attacher les animaux à des pieux ou en laisse ;
- pour attacher des bagages et des marchandises sur les véhicules et les bêtes de somme, ou enfin pour servir de séchoir pour les linges.
5. Coques, stipes, épis, folioles et déchets après égrappages
Les coques concassées desquelles l’amande a été extraite servent directement de combustibles dans les forges artisanales et dans la cuisson des aliments chez les ménagères, de même que les charbons provenant de ces coques. Elles peuvent également être utilisées pour tapisser les sols glissants et boueux pendant les saisons des pluies, ainsi que les bassins versants de certains terrains soumis à l’érosion.
Ces coques peuvent aussi servir à orner des bijoux (bagues, bracelets, porte-clés), des poupées, des statues et autres objets d’arts. Le stipe est débité en planches qui entrent dans la charpente des habitations et autres bâtiments.
Les folioles sont parfois déclinées en jouets, comme l’accordéon et le serpent, par les enfants. Les rachis et les épis, déchets obtenus après égrappage sont utilisés brut comme bois de feu, de même que les inflorescences mâles brutes et nervures desséchées.
Les déchets et les fibres obtenus de la pulpe suite à l’extraction du jus et des huiles de palme constituent les tourteaux d’huile de palme qui servent à fabriquer des combustibles pour des sortes de torches appelées “Délian” et “Kplègbè” en fon.
En conclusion, le palmier à huile, c’est bien plus de bénéfices que l’huile de palme seule. Ne serait-il donc pas judicieux d’étendre la réflexion à une meilleure valorisation de toute la plante et travailler activement à un meilleur positionnement ?
Le chercheur Guy Mensah, en conclusion du bulletin agronomique numéro 24 de Mars 1999, disait : « Le palmier à huile est un végétal vert qui joue un grand rôle dans différents cycles biologiques naturels tels que la photosynthèse, la chaîne alimentaire et la conservation des ressources naturelles. De ce fait, il est indispensable à la vie de nombreux êtres vivants sur la terre ». 23ans après, cette assertion reste vraie. Il est temps de la vulgariser.